Il y a plusieurs semaines, vous vous êtes engagée à mener une réflexion profonde en vue de définir un plan de rédéploiement des secteurs culturels, durement touchés par la crise sanitaire. Cette nécessité de réfléchir le monde de demain pour le rendre plus juste, plus solidaire et plus désirable que celui d’hier est d’ailleurs portée publiquement par un nombre de plus en plus important d’acteurs de la société civile. A ce sujet, et parmi toutes les prises de positions publiques, je tenais à mentionner la carte blanche de Bernard Foccroule, intitulée « Après la crise, qu’attendons-nous de l’art et de la culture ? » et éditée dans les pages du quotidien Le Soir en date du 12/05/2020. En quelques lignes, cette carte blanche dresse, selon moi, l’ensemble des enjeux à prendre en compte dans cette réflexion indispensable. Je tiens à en pointer trois aujourd’hui qui doivent, selon moi, guider le travail de redéploiement qui aura lieu.

Le premier est l’importance de réfléchir au redéploiement de la culture sous le prisme des droits culturels et du renforcement de leur effectivité. En effet, il est aujourd’hui généralement admis que le plein exercice des droits humains fondamentaux est étroitement lié à des facteurs culturels tels que l’accès aux savoirs ou à un patrimoine culturel riche, à une expression libre, à la construction, la reconstruction et l’affirmation d’une identité ou d’identités multiples, à la participation à une vie culturelle diversifiée,…  Les droits culturels, notion consacrée par la déclaration de Fribourg en 2007, visent à garantir à chacun la liberté de vivre son identité culturelle. Rappelons qu’en Belgique francophone, cette notion a été intégrée dans différents décrets et englobe 6 droits et libertés : la liberté artistique, la conservation et la promotion des patrimoines et des cultures, l’accès à la culture, la participation à la culture, la liberté de choix en matière culturelle et le droit de participer à la prise de décision en matière de politique ou de programmation culturelle. Cette notion doit donc être centrale, et notamment sa dimension d’universalité, d’accès de toutes et tous, en tenant compte des inégalités sociales, économiques et culturelles qui sont des freins à cette dimension.

Le second est de garantir la transversalité des réflexions, des décisions et des actions de redéploiement. La culture et les droits culturels dépassent largement les compétences « culture » de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il est dès lors indispensable que le redéploiement soit pensé dans ce cadre. Il s’agit d’abord de décloisonner les secteurs : si l’art est important, on ne pourra se passer du monde associatif qui pense, critique et propose nos modèles de société. Par ailleurs, penser le redéploiement culturel sans intégrer dans la réflexion, par exemple, l’enseignement, qu’il soit obligatoire ou supérieur, serait à mes yeux une erreur. Mais, et on l’a vu dans le cadre de la gestion de la crise, penser et appliquer le redéploiement culturel uniquement en FWB ne suffira pas non plus. L’ensemble des niveaux de pouvoirs doivent donc travailler ensemble et intégrer chacun ce nouveau paradigme, des communes à l’Europe.

Enfin, il est indispensable également d’intégrer dans un plan de redéploiement culturel un renforcement et un redéploiement de l’exception culturelle, soit la nécessité de considérer la culture comme un bien commun qui doit échapper aux règles classiques du marché. Les artistes, les techniciennes et toutes celles et tous ceux qui font vivre la culture doivent être soutenus et protégés à la hauteur de leur apport à la société et non à la hauteur de leur contribution au PIB. De même, les œuvres issues de nos territoires, ainsi que leur utilisation et leur diffusion, doivent être protégées, promues et valorisées. L’ancrage local est indispensable et à articuler sainement avec une dimension plus large, et notamment internationale.

Madame la Ministre, je souhaitais donc vous entendre au sujet de ce redéploiement des secteurs culturels et particulièrement des trois éléments mis en avant ci-avant :

  • Qu’en est-il de cette réflexion de fond sur le redéploiement ? Les objectifs de ce travail, tant en terme de fonds et de contenu, que de méthodes sont-ils arrêtés et, si oui, pouvez-vous nous les communiquer ? Concrètement, quel est le calendrier envisagé ?
  • La Task-force envisagée est-elle aujourd’hui constituée ? Si oui, quelle est sa composition et comment entendez-vous la faire fonctionner ? Plus précisément, quelle place sera donnée à la représentation des femmes et à l’associatif socio-culturel dont l’éducation permanente ?
  • Comment voyez-vous la participation des chambres d’avis et du Conseil Supérieur de la Culture ainsi que celui de l’Education Permanente à ce processus ?
  • Les enjeux des droits culturels et de l’indispensable transversalité (tant entre secteurs qu’entre niveaux de pouvoirs) sont-ils des éléments envisagés et de quelle manière ?
  • Qu’en est-il de l’exception culturelle, présente dans la DPC ? Quelle est votre vision à son égard et entendez-vous lui donner une place importante dans le plan de redéploiement ?

Retrouvez mon intervention ainsi que la réponse de la ministre ici.