La crise sanitaire sans précédent que nous vivons depuis près d’un an maintenant a des conséquences que personne n’avait osé imaginé auparavant. Et les secteurs artistiques et culturels font partie, nous le savons, de ceux qui sont le plus durement touchés par les conséquences de cette crise. Ces secteurs et celles et ceux qui les constituent sont, à juste titre, inquiets voire en détresse compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle sont plongés de trop nombreuses personnes et institutions artistiques et culturelles.
A ce titre, de nombreux regards et attentes, par le monde culturel étaient tournés vers le Comité de concertation du 18 décembre dernier dans l’espoir d’un assouplissement des règles voire, et c’est bien compréhensible, d’un message adressé spécifiquement au monde culturel
Les inquiétudes exprimées sont également liées au constat, de plus en plus largement partagé, que la crise a mis en lumière la fragilité des secteurs artistiques et culturels dans notre société et la trop faible place qu’ils y occupent (de même que plus largement l’ensemble des secteurs d’activités « non-marchand »‘), en particulier par rapport à d’autres secteurs économiques, dont ceux de la consommation, voire de la consommation de masse. C’est donc notre projet de société qui est questionné, et en particulier le rôle des arts et de la culture, et plus largement des métiers de l’humain et la place des associations et des collectifs dans notre société qui est visée.
Enfin, à ces inquiétudes totalement fondées et légitimes, s’ajoutent la difficulté pour les citoyennes et citoyens de comprendre et d’adhérer à des mesures qui se multiplient dans le temps et dans leurs adaptations, ainsi que celle d’être confrontés à des restrictions sociales fortes depuis près d’un an maintenant et à l’absence d’autre perspective positive que celle d’un vaccin qui devrait arriver prochainement mais qui mettra sans doute encore des mois à donner son plein effet sanitaire.
En découlent dès lors tout-à-fait légitimement des expressions d’incompréhension et de colère telles que celle exprimée dans la carte blanche « La culture n’est pas une variable d’ajustement » signée par plusieurs dizaines de personnes et d’institutions.
A cet égard, plusieurs éléments me semblent importants à pointer ou rappeler.
D’abord, ayons à l’esprit que, si tous les secteurs artistiques et culturels sont touchés par la crise et ses conséquences, tous ne sont pas atteints de la même manière. Ainsi, alors qu’une série d’opérateurs n’ont jamais cessé totalement leurs activités et ont pu faire preuve de créativité pour les poursuivre et/ou les redéployer ou que d’autres ont pu réouvrir dans des conditions sanitaires strictes et parfois un peu floues et méconnues (notamment les musées et les bibliothèques), les acteurs de la culture « du rassemblement » (au rang desquels figurent évidemment les représentations des arts vivants et cinématographiques) sont, après une reprise timide à l’été et automne, à l’arrêt depuis plusieurs mois. Par ailleurs, gardons à l’esprit également que le monde artistique et culturel belge est organisé dans un système qui met en tension les opérateurs institués entre eux en fonction de leur dépendance aux subventions et revenus propres, mais aussi les opérateurs institués avec ceux qui ne le sont pas ainsi qu’avec les créateurs et techniciens. Les opérateurs non-institués ne bénéficient pas de soutiens publics structurels et les créateurs et techniciens ne peuvent être rémunérés en l’absence de revenus issus des représentations, projections, ateliers,…
Cette hétérogénéité dans les conséquences sur le monde culturel rajoute de la complexité et, parfois, de l’incompréhension et doit continuer à être prise en compte par nous, responsables politiques, notamment dans une perspective de poursuite des soutiens aux plus fragiles, mais aussi de soutien et d’accompagnement des acteurs qui ont la chance de pouvoir poursuivre certaines champs de leur action culturelle. Les pouvoirs publics, et singulièrement ceux qui sont compétents sur les matières culturelles doivent notamment faire preuve d’ouverture et de soutien dans la réorganisation ou la réorientation de certaines fonctions culturelles menées par certains opérateurs et ces initiatives doivent alimenter le projet culturel pour demain.
Ensuite, l’enjeu de la posture des responsables politiques est évidemment primordial. Ainsi, nous devons être en capacité d’entendre et d’écouter avec compréhension et empathie les expressions des citoyens et des institutions. Nous devons aussi poursuivre les interactions avec les secteurs, principaux experts de leurs réalités dans le but de répondre aux mieux à leurs besoins. Enfin, nous devons faire preuve de responsabilité et de cohérence. Et, à cet égard, plusieurs éléments interviennent. D’abord, le fait que nous faisons face à une véritable pandémie qui, si elle n’est pas gérée, met à mal notre système de soins de santé et a des conséquences majeures sur la santé de la population. Ensuite, le fait que les pouvoirs publics ont la responsabilité de sauver les plus fragiles et que cela impose d’écouter les experts et de prendre des mesures fortes, bien souvent impopulaires et qu’il s’agit d’assumer. Enfin, la responsabilité de l’ensemble du monde politique face à une telle situation, c’est de ne pas « jouer » avec la crise à des fins politiciennes, partisanes et électorales, notamment en tenant des discours divergents et non-concertés, totalement irréalistes au regard de la réalité de la situation ou parfaitement dogmatiques.
Enfin, en ce qui concerne le décalage qui existe entre notre société et ses fonctionnements et les projets des uns et des autres, je continue à penser que cette crise constitue l’opportunité de pointer les dysfonctionnements et de les faire évoluer. Reste que la tâche est immense tant ces dysfonctionnements sont importants et les partisans de la continuité nombreux et bien installés. Par ailleurs, force est de constater que la crise et ses conséquences nous imposent de parer au plus urgent et rendent toute réflexion plus large compliquée.
De manière plus pragmatique, à l’heure d’écrire ces lignes, la situation sanitaire reste tout-à-fait préoccupante et ne permet malheureusement pas d’envisager une relâchement important des mesures mises en oeuvre actuellement et dont certaines sont déjà prolongées jusqu’au 15 janvier prochain. Le CODECO se réunira ce vendredi 18 décembre et permettra sans doute de faire le point sur l’évolution de la situation en donnant quelques perspectives. Enfin, la campagne de vaccination est aujourd’hui annoncée pour le début de l’année 2021, ce qui est une bonne nouvelle mais qui doit néanmoins être prise avec la patience nécessaire compte tenu du temps long caractéristique d’une telle campagne de vaccination. Or, les besoins résident dans la clarté des décisions et les perspectives d’avenir.
Madame la Ministre, à l’aube de cette nouvelle année que d’aucuns attendaient suite à une année 2020 particulièrement pénible, je souhaitais faire le point avec vous sur la situation et les perspectives pour les prochains mois. Voici mes questions :
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Pour éclaircir la situation, pouvez-vous nous présenter votre regard sur la situation actuelle pour les secteurs artistiques et culturels dont vous avez la charge, au vu des décisions prises par les différents niveaux de pouvoirs, des protocoles en vigueur, notamment suite au CODECO du 18 décembre.
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Disposez-vous aujourd’hui d’informations à nous donner en ce qui concerne les perspectives d’avenir, notamment en matière d’organisation des saisons culturelles qui mettent des semaines à s’organiser?
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Qu’en est-il du soutien apporté par la FWB aux opérateurs les plus directement et fortement touchés par les conséquences de la crise sanitaire? Avez-vous pu arrêter une note d’orientation à ce sujet en gouvernement comme évoqué lors de la dernière commission ? Si oui quelles en sont les grandes lignes ?
Retrouvez ma question ainsi que la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.