Récemment, à l’occasion de votre présentation de la déclaration de politique générale au Parlement bruxellois, vous avez rappelé la volonté de votre gouvernement de faire du futur musée Kanal un des instruments pour renforcer la fierté des Bruxellois et donner à l’image de notre ville un rayonnement international. Par ailleurs, vous rappeliez que cette infrastructure pourra jouer un rôle important dans le projet de Bruxelles Capitale Culturelle 2030. C’est pour toutes ces raisons que vous avez déclaré avoir maintenu les subsides (conséquents) consacrés au projet Kanal. Nous sommes tout à fait en accord avec ce projet et cette vision. Bruxelles mérite d’accueillir, sur son territoire, un pôle culturel pluridisciplinaire dédié à l’art moderne et contemporain.
Le contrat de gestion, qui fut adopté pour les années 2019- 2024, définissait des objectifs et un cadre ambitieux et enviable et consacrait le fait que Kanal serait un « nouveau pilier de politique culturelle régionale » bruxelloise intégré dans « un réseau d’acteurs clés », dans un « environnement urbain post-industriel » défini comme lieu de rencontre, d’émancipation, de formation et de savoir.
La Région s’est engagée dans ce projet à la faveur de la sixième réforme de l’État qui a créé une nouvelle compétence pour la Région : celle-ci peut subsidier des initiatives culturelles à condition que celles-ci soient « d’intérêt régional ».
En 2018, Fatima Zibouh, dans un article paru dans Bruzz le 6 décembre 20181, pointait déjà quelques dysfonctionnements, à savoir le manque de diversité au sein du conseil d’administration, composé de personnes « au background semblable », ainsi que le risque de voir Kanal une institution « pour les Molenbeekois plutôt qu’avec eux ».
Nous étions alors aux prémices du projet et, même si la direction s’était défendue en affirmant qu’elle mettait toute l’énergie nécessaire pour créer un projet inclusif, cet article mettait le doigt sur une dérive et aurait dû pousser à une remise en question plus forte et à une prise de mesures afin d’assurer une meilleure intégration du projet dans le tissu urbain dans lequel l’ancien garage Citroën s’inscrit.
Récemment, deux cartes blanches parues dans le journal Le Soir2 attirent de nouveau les regards vers des problèmes liés au management. Dans la première, Alain Benisty, « programmateur musique » de Kanal explique les raisons de son départ d’une aventure qui l’avait charmée au départ. A présent celui-ci jette un regard désabusé sur ce qu’est devenu le projet Kanal à ses yeux : un projet où « trop d’argent y est dépensé pour des projets déconnectés du contexte, parce qu’on y oublie trop de monde », où « les administrateurs n’écoutent personne d’autre qu’eux-mêmes pour la direction générale du projet ». Il dénonce encore une « gouvernance par des directeurs qui n’y connaissent rien aux métiers de la culture » et qui ne comprennent rien aux enjeux sur le long terme. Il s’interroge encore sur le fait qu’une direction issue de cabinet ministériel n’est peut-être pas la plus adéquate pour conduire ce projet essentiel pour la Région de Bruxelles Capitale. En effet, comme le rappelle Alain Benisty, la vocation de Kanal est d’être un reflet de la diversité du territoire dans lequel le musée, une caisse de résonance des multiples voix qui l’animent, qui la transforment et qui la rendent si vivante. Bref ce pôle pluridisciplinaire se doit d’être un lieu d’ouverture et de partage.
Les mots sont durs. Ceux d’Anne Pontegnie, membre du Comité d’Avis Académique et Scientifique, ne le sont pas moins, qui pointent le manque d’hétérogénéité culturelle, sociale et générationnelle du comité. Nous entendons et nous joignons à son appel au dialogue et à la réflexion.
Au vu de l’implication de la Région Bruxelles-Capitale, il est nécessaire que le gouvernement entende ces appels et ces critiques pour que Kanal reste sur la voie de l’inclusion, de l’écoute des créatrices et créateurs, du partage. Le groupe Ecolo veillera toujours à ce que ces valeurs soient au coeur du projet de construction de ce pôle culturel urbain et que Kanal soit le symbole de la transformation de Bruxelles et de sa transition vers une culture durable.
C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, je souhaite vous poser les questions suivantes :
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Quelle a été votre réaction à la lecture de ces expressions publiques ?
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Quelle est votre lecture, votre analyse de la situation actuelle au sein de Kanal et avez-vous des éléments à apporter afin d’avoir une bonne compréhension de ce qui se passe au sein de cette institution, notamment à l’égard des critiques assez fortes qui sont faites et des dysfonctionnements qui sont mis en avant ?
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Avez-vous pris des mesures afin de garantir que les finalités et objectifs fixés pour cette institution culturelle soient atteints ? Si oui, lesquelles et à quels niveaux de l’institution ? La composition des organes, dont l’équipe dirigeante est-elle en voie d’évolution ?
Retrouvez mon intervention et la réponse du Ministre-Président ici.