Le 25 avril a été désigné comme la « journée internationale de l’aliénation parentale ». Cette année à cette occasion, a été publiée sur le site de la RTBF la carte blanche collective intitulée « Pour en finir avec le Syndrome d’Aliénation Parentale ». Par cette carte blanche, les auteures, intervenant·es de terrain et associations de lutte contre les violences conjugales et post-séparation, souhaitaient attirer l’attention de l’opinion publique sur le Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP), une « notion problématique », comme la désigne le rapport d’évaluation du GREVIO, un organe de contrôle et d’évaluation de l’application de la Convention d’Istanbul relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique.

Le SAP est une pseudo-théorie inventée en 1985 par Richard Gardner, un psychiatre américain lui-même très controversé et proche des milieux masculinistes. Patrizia Romito et Micaela Crisma, respectivement, professeure de psychologie sociale et psychologue italienne, nous expliquent : « Lorsque, après une séparation, un enfant refuse de rencontrer le parent auquel il n’a pas été confié – généralement le père – en disant qu’il en a peur, et qu’il est soutenu par sa mère, on évoque alors le Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP). L’enfant refuserait de voir son père, non pas parce qu’il le craint, mais parce que sa mère l’aurait manipulé dans ce sens. Le SAP est ainsi présenté comme s’il s’agissait d’une catégorie psychiatrique objective, d’un diagnostic scientifique ; la conséquence de ce « diagnostic » est que les peurs de l’enfant et la possibilité de violences envers lui sont sous-évaluées. » Le SAP postule donc que l’enfant serait aliéné·e par un des deux parents – la mère, selon Gardner –, alors que le recours à ce « syndrome » peut intervenir lorsque celle-ci dénonce des violences.

Depuis les années 80, une apparence scientifique est donnée à cette notion alors qu’il a été démontré que nul fondement scientifique ne sous-tend cette « théorie » et que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne la reconnaît pas. Mais ce vernis scientifique a eu pour conséquence désastreuse que le SAP est régulièrement repris par des psychologues ou des avocats, mais aussi dans les rapports des services SAJ et SPJ et dans les jugements des tribunaux. Ainsi, le SAP est aujourd’hui encore considéré comme une raison valable pour un transfert voire un placement d’enfants, tout en ayant pour conséquence de discréditer la parole des femmes et des enfants et pour minimiser ou ignorer les violences (physiques, sexuelles ou psychologiques) pourtant bien réelles qu’ils et elles subissent.

Madame la Ministre, la presse et la littérature récente et abondante à ce sujet et les constats qui y sont exposés sont particulièrement questionnants et mettent en lumière un enjeu qui constitue à la fois une cause et une conséquence de violences d’ampleur à l’égard des femmes et des enfants. Dans le cadre d’une question relative à la prise en compte des violences intrafamiliales au sein des SAJ et SPJ, vous avez affirmé que de telles violences étaient au coeur de vos préoccupations et que cet enjeu était bien intégré au sein des programmes de formation des agents des SAJ et SPJ. Néanmoins, on pointe ici un élément plus précis et particulièrement insidieux qui mérite d’être creusé davantage.

Voici donc mes questions :

  • Avez-vous pris connaissance de cette carte blanche et, dans l’affirmative, quelle est votre lecture et votre analyse, tant du SAP en tant que tel mais aussi du recours manifeste à celui-ci dans les différentes étapes de protection de l’enfance et de la jeunesse ?

  • Confirmez-vous que l’utilisation du SAP est une réalité au sein des services de l’aide à la jeunesse dont vous avez la charge ? Si oui, pouvez-vous nous en dire davantage, notamment en ce qui concerne les types de services concernés ou encore la fréquence de ce recours ?

  • Les formations proposées aux agent·es des SAJ et SPJ au long de leur carrière intègrent-elles bien les enjeux autour du SAP et notamment de l’absence de fondement scientifique et des avis contraire à son utilisation, tel que le recommande le rapport du GREVIO ;

Enfin, alors que les auteures de la carte blanche précisent que « Les violences conjugales et post-séparation sont encore mal identifiées et mal comprises par nos institutions, il s’agit de sujets délicats qui demandent d’être traités avec une extrême précaution. », pouvez-vous nous détailler la manière dont ces violences sont prises en compte au sein des services de l’aide à la jeunesse ?

Retrouvez mon intervention ainsi que la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.