En mai 2021, suite à la publication dans la presse de la carte blanche collective intitulée « Pour en finir avec le Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) », nous vous avions interrogée pour savoir si les services de l’aide à la jeunesse avaient recours à la pseudo-théorie de l’aliénation parentale (AP) dans le cadre des prises en charge de violences intrafamiliales. Nous avions rappelé l’infondé scientifique de ce concept inventé par Richard Gardner, personnage lui-même très contesté, et des dommages que son utilisation peut causer dans le cadre de l’aide à apporter aux mères et aux enfants victimes de violences au sein de la cellule familiale.
Vous nous aviez alors répondu que les services d’aide à la jeunesse étaient conscients que la notion d’aliénation parentale « demeure sans fondement scientifique » et qu’elle ne fait « pas partie des motifs de prise en charge des jeunes en difficultés ou en danger au sein des SAJ ». Vous affirmiez encore que vous étiez en train d’implémenter un dispositif de formations pour les agent·e·s de l’aide à la jeunesse sur les violences faites aux femmes, les divers mécanismes sous-tendant celles-ci et leurs conséquences désastreuses sur les enfants et leur développement. Ces formations permettraient de sensibiliser les professionnels à l’infondé du SAP.
Cependant, il semble que la réalité sur le terrain s’écarte de vos constats et que les services d’aide à la jeunesse utilisent encore l’argument du syndrome de l’aliénation parentale dans le cadre de prises en charge de situation de violences intrafamiliales.
En effet, dans l’article « Dénoncer l’inceste : paroles de mère, déni de justice »1 paru dans le numéro de janvier-février 2022 du magazine Axelle, la journaliste Véronique Laurent revient sur le parcours de mères « protectrices » qui ont alerté sur les probables violences sexuelles commises par le père sur leur enfant. Pensant être aidées, celles-ci s’étaient tournées vers les institutions. Cependant, selon leur témoignage, non seulement les services d’aide et de protection de la jeunesse ne leur sont pas venus en aide mais en outre, certains agent.e.s de ces services les auraient estimées (au choix) soit folles soit vengeresses. Elles n’auraient en tout cas pas été soutenues à la hauteur de leur détresse et se verraient même accusées de manipulation : leur enfant mentirait suite aux injonctions de la maman. Dans ce cas, la mère n’est donc plus considérée comme protectrice mais est criminalisée. Cet article concerne les violences sexuelles infligées à ces enfants, mais cela pourraient tout aussi bien concerner les violences physique ou psychologiques. Les traumatismes sont dans tous les cas bien présents et indéniables, pour les femmes et pour les enfants.
En filigrane de ces prises en charge calamiteuses, on retrouve le fameux SAP, dénonce l’article. En effet, certain·e·s intervenant·e·s des services d’aide à la jeunesse prendraient en charge ces femmes et ces enfants à travers le prisme de cette pseudo-théorie ou des principes basés sur des stéréotypes de genre qui la fondent.
Vous nous dites que le syndrome d’aliénation parentale n’est plus utilisé par les SAJ, et nous rejoignons ce qui reste semble-il un objectif. Au-delà des témoignages qui sont repris dans l’article publié dans Axelle et qui prouvent que le concept ou ses fondements sous-jacents conditionnent encore (trop) largement les prises en charge de violences familiales, des personnes impliquées dans le soutien aux femmes victimes de violences institutionnelles de la part des SAJ nous ont fait remarquer qu’une page du site officiel des services d’aide à la jeunesse est consacrée au SAP2 : on voit que le concept est présenté comme tout à fait valide ; à aucun endroit, on ne peut lire que ce concept est scientifiquement infondé et problématique.
Tout cela constitue un énorme gâchis dont les premières victimes sont les mères mais également, ne l’oublions pas, les enfants. Les enfants dont on souhaite défendre l’intérêt supérieur mais qui sont finalement très peu écoutés et entendus – puisqu’ils sont considérés comme manipulés par leur mère – alors que la Convention relative aux droits de l’enfant, en son article 12, consacre le droit à la participation de l’enfant3.
Dans l’article du magazine Axelle, on peut lire encore la réaction de Laetitia Genin, coordinatrice de Vie féminine : celle-ci pointe la nécessité d’une formation obligatoire des conseiller·ères à une lecture genrée des violences, celle-ci étant aujourd’hui uniquement sur base volontaire. La formation est en effet un levier d’action essentiel pour que le SAP soit banni des prises en charge au sein des SAJ. Une formation (obligatoire) sur les conséquences traumatiques des violences intrafamiliales serait également nécessaire afin que les intervenant·e·s des SAJ comprennent certaines réactions des femmes et des enfants qui ont été confrontés à la violence au sein de la cellule familiale.
Et la journaliste d’Axelle rappelle la responsabilité du politique dans le manque structurel de moyens attribués aux SAJ/SPJ, ce qui conduit à des problèmes de manque de personnel. Le personnel étant sous pression, cela ne les incite probablement pas à assister à des formations facultatives, qui pourtant les aideraient à une amélioration des prises en charge des violences intrafamiliales.
Voici donc mes questions :
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Avez-vous pris connaissance de l’article de Véronique Laurent dans le magazine Axelle de janvier-février 2022 et, dans l’affirmative, quelle est votre lecture et votre analyse de celui-ci ?
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Quel type d’actions sont mises en place pour que ni le SAP ni les fondements qui le sous-tendent ne soient utilisés dans le cadre des prises en charge de violences intrafamiliales ?
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Une formation obligatoire sur la lecture genrée des violences et sur les conséquences traumatiques des violences intrafamiliales sur les enfants et leur mère, pour les travailleurs et travailleuses des SAJ, est-elle à l’agenda?
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Qu’avez vous décidé de mettre en place pour que le SAJ applique de manière effective le droit à la participation de l’enfant, tel que le consacre l’article 12 de la CDE ?
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Avez-vous décidé de rencontrer des associations actives dans la défense des droits des femmes afin de les écouter, recueillir leurs témoignages et leur expertise concernant ce type de problématique ?
Retrouvez ma question et la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.