Depuis le 1er mai, les jeunes de 16 et 17 ans peuvent s’inscrire pour participer au futur scrutin européen. Ce sont donc 280.000 jeunes belges qui peuvent s’inscrire afin de donner leur voix lors des élections européennes qui se tiendront l’année prochaine. D’aucun, et j’en fais partie, considère cela comme une révolution! C’est en tout cas un moment important à l’heure où de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le délitement de nos démocraties et la désaffection ou le désintérêt des citoyen·nes envers la chose publique. La politique européenne est souvent qualifiée d’obscure par la plupart des électeurs et électrices. Nombreuses sont les personnes qui ne savent pas exactement ce que fait l’Europe, la voyant davantage comme une source de problèmes que comme une institution rassembleuse et promotrice de paix. Et pourtant les législations européennes ont des impacts forts sur divers aspects de la vie des Européen·nes, et notamment des matières qui préoccupent nos jeunes comme les politiques climatiques, commerciales ou encore migratoires. Un des enjeux majeurs de l’Union aujourd’hui est de renforcer cet attachement et cet intérêt pour l’échelon européen, en particulier celui des jeunes générations, en bâtissant une véritable citoyenneté européenne. Le vote est évidemment l’un des éléments indispensables à la construction de cette citoyenneté.
Néanmoins ce droit de vote ne sera pas automatique : le jeune qui se saisit de ce nouveau droit devra préalablement s’inscrire, soit en se présentant au guichet de son administration communale, soit en se rendant sur le site du SPF Intérieur, en s’identifiant au moyen de sa carte eID ou d’Itsme. Dès que l’inscription est enregistrée et acceptée, le futur électeur se voit alors placé dans le cadre plus général du vote obligatoire. Un cadre et une obligation qui seront d’ailleurs à enseigner et à analyser.
Que ce soit à propos des procédures à suivre pour pouvoir faire entendre sa voix en 2024 ou à propos des enjeux qui sous-tendent les élections européennes, les jeunes ont besoin de recevoir une information claire et complète. L’école a un rôle majeur à jouer à la fois pour sensibiliser, informer et éduquer les jeunes à la chose politique. Comme le souligne Benjamin Biard du CRISP : » (…) les jeunes votent moins que la moyenne, notamment parce qu’ils manquent d’outils pour décoder la vie politique, parce qu’ils n’ont pas acquis l’habitude de voter, parce qu’ils privilégient des formes de participation politique moins conventionnelles ou encore parce qu’ils sont plus perméables aux idées populistes et plus critiques quant au fonctionnement de la démocratie. Dès lors, l’élargissement du droit de vote à des catégories de la population plus jeune doit s’accompagner d’un encadrement plus intense. » Parmi les agents de socialisation, l’école jouera un rôle majeur et notamment par le biais des cours de philosophie et de citoyenneté (CPC).
Récemment, on apprenait , dans un article du journal Le Soir, que « des outils pédagogiques conçus par des organismes externes seront mis à disposition des enseignants pour les aider à aborder les questions relatives aux élections. Il reviendra aux enseignants de s’en saisir. ».
Madame la Ministre, pourriez-vous donner plus de détails quant aux organismes qui ont conçu les outils pédagogiques qui seront mis à disposition des enseignants : qui sont-ils et de quelle manière ont-ils été sélectionnés ? Les enseignants ont-ils été prévenus de l’existence de ces outils pédagogiques ? Si oui, comment ? Comment pensez-vous les aider à s’en saisir ?
Ce même article relayait les craintes de la Fédération Infor Jeunes Wallonie-Bruxelles : « Les démarches à effectuer ne sont pas évidentes pour de nombreux jeunes, pointe Eloise Chopin, directrice de la Fédération Infor Jeunes Wallonie-Bruxelles. Certains n’ont pas de carte d’identité à puces, ou pas de code. Plus fondamentalement, les élections européennes ne parlent pas nécessairement aux jeunes, un peu comme pour les moins jeunes d’ailleurs. »
De gros obstacles se profilent à l’horizon. Certain·e·s jeunes ressentiront plus de difficultés face à ceux-ci, voire n’arriveront pas à les dépasser. Comme le fait remarquer Romain Lebrun (Cevipol-ULB), « le niveau d’intérêt et de compétence [politiques) sont très fortement associés au niveau socio-économique. Le processus de socialisation en politique est extrêmement corrélé avec le milieu familial, ensuite avec l’école et les cercles que fréquentent les jeunes ». Il y a dès lors un risque que soient surreprésentés les jeunes issu·es de communes plus nanties, de milieux plus favorisés. Il y a donc un véritable enjeu de toucher tou·te·s les jeunes à travers toutes les écoles, aussi bien de l’enseignement général que de l’enseignement technique. Dès lors, au-delà des chapitres consacrés au vote intégrés aux référentiels du tronc commun, il est fondamental d’assurer une formation solide à cette citoyenneté dans l’après tronc commun, quelles que soient les filières et les formes d’enseignement.
Madame la Ministre, quel dispositif prévoyez-vous pour que tou·te·s les élèves se sentent concerné·e·s par cette avancée majeure pour notre démocratie ?
Retrouvez mon intervention ainsi que la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.