Les jeunes en errance, dits aussi jeunes en rupture, à problématiques complexes ou encore en désaffiliation sociale complète, constituent un « public » particulièrement préoccupant à plusieurs égard. D’abord parce qu’il s’agit de jeunes qui, en rupture familiale, sociale et avec l’ensemble des institutions qui existent, sortent de l’ensemble des radars mis en place par notre société. Ils se retrouvent ainsi à errer entre lieux de vie et institutions, voire à vivre une partie de leur jeunesse en rue, ce qui est particulièrement insoutenable. Ensuite parce que, compte tenu de cette errance et de cette désaffiliation, ces jeunes entrent dans une spirale infernale ayant comme principale conséquence qu’ils ou elles ne recourent pas ou plus à leurs droits, ce qui ne fait que renforcer les situations difficiles qu’ils vivent. Enfin, cet enjeu doit nous questionner, en tant que citoyennes et citoyens évidemment, mais surtout en tant que responsables politiques, sur les raisons qui expliquent que notre société puisse laisser ces jeunes sur le bord de la route et ce, malgré la multitude des dispositifs qui existent.

Après un an d’auditions d’experts de terrain et du vécu, le Parlement francophone bruxellois a voté, ce vendredi 7 mai 2021 et à l’unanimité, le rapport de ces auditions réalisées au sujet des jeunes en errance. Ce rapport reprend, outre le contenu exhaustif des 18 auditions, 46 recommandations.

Ces recommandations organisées en groupes cohérents, visent à objectiver la situation des jeunes en errance, mais également à identifier les causes de l’errance et à renforcer les dispositifs d’accueil, d’accompagnement et de soutien de ces jeunes.

Les causes de l’errance sont multiples et les leviers pour les réduire le sont tout autant. C’est pourquoi les commissaires francophones bruxellois ont délibérément rédigé des recommandations qui dépassent largement les compétences de la Cocof et qui s’adressent, notamment, à la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a, dans ses compétences, notamment, l’enfance, la jeunesse et l’aide à la jeunesse mais également l’enseignement obligatoire, qui constitue bien souvent l’un des derniers lieux de socialisation des enfants et des jeunes en rupture. Et à cet égard, les lieux de vie que sont les écoles constituent bien évidemment, avec l’ensemble des professionnelles qui s’y trouvent, des leviers importants dans l’identification des mal-êtres, des ruptures, voire de l’errance des enfants et des jeunes.

En voici quelques-unes qui s’adressent intègrent l’école parmi d’autres lieux de vie :

  • Améliorer la connaissance et la confiance mutuelle des différents services et de leur offre par les acteurs pour mieux guider le jeune en fonction de ses besoins.

  • Renforcer et améliorer la qualité de l’information des jeunes quant à leurs droits et aux services qui peuvent les aider, avec une attention particulière pour les jeunes les plus éloignés des institutions et qui vivent déjà en marge de la société. Cela doit pouvoir se faire via le travail de rue, via les réseaux sociaux et dans l’ensemble de leurs lieux de vie non familiaux (écoles, associations, …).

  • Améliorer l’information, la sensibilisation et la formation de tous les professionnels amenés à travailler avec des jeunes en errance, via l’intégration dans les formations initiales et la formation continue d’enjeux relatifs aux droits de l’enfant et des jeunes de manière générale et aux spécificités de ces publics et aux nouvelles méthodes d’accueil et d’accompagnement, à la diversité des acteurs de terrains et à l’importance des synergies ou encore aux langues, mais aussi aux problématiques particulières auxquelles sont confrontés ces jeunes en regard de leur statut de MENA ou de leur identité de genre et/ou de leur orientation sexuelle par exemple.

Enfin, 6 recommandations sont spécifiquement adressées au monde scolaire :

  • Renforcer la prévention de la désaffiliation sociale des jeunes, dans tous leurs lieux de vie (école, milieux d’accueil pour la petite enfance, clubs sportifs, Maisons de Jeunes,…) notamment via une information, une sensibilisation et une formation continue des professionnels de ces institutions à l’errance et aux signes qui permettent de l’identifier.

  • Instituer, et renforcer lorsqu’ils existent, les dispositifs d’accrochage et d’accompagnement des enfants et des jeunes en difficulté au sein des établissements scolaires (y compris dans l’enseignement supérieur), menés par des professionnels formés et en lien avec des acteurs socio-psycho-éducatifs adéquats pour assurer une prise en charge adéquate lorsque cela s’avère nécessaire. A cet égard, les PMS et autres services sociaux semblent être des acteurs incontournables dans l’identification des signes et dans leur « renvoi » vers des services adéquats.

  • Faire vivre les conseils de participations dans les écoles et s’assurer de la présence d’une diversité d’acteurs.

  • Soutenir le développement de dispositifs de lutte contre l’illettrisme.

  • Soutenir le développement de dispositifs de lutte contre la fracture numérique.

  • Renforcer les soutiens aux interactions entre les institutions artistiques et culturelles et les lieux de vie des jeunes. Cela passe évidemment par l’école, notamment via les programmes tels que « La culture a de la classe », mais également par l’ensemble des démarches qui permettent de renforcer l’accès des jeunes à la culture mais aussi leur participation à l’art et à la culture dans une perspective de renforcement des droits culturels.

Madame la Ministre, c’est au sujet de ce travail conséquent réalisé au sujet d’un enjeu de société particulièrement préoccupant que je m’adresse à vous aujourd’hui avec les questions suivantes :

  • Avez-vous déjà pris connaissance du rapport parlementaires mentionné et, surtout, des 46 recommandations qu’il contient ?

  • Avez-vous une analyse à nous partager à ce sujet, en tant que citoyenne évidemment, mais surtout en tant que Ministre de l’Education ?

  • Par rapport aux recommandations, pouvez-vous nous dresser un état des lieux de ce qui est déjà mis en œuvre mais également identifier ce qui doit encore l’être en précisant si cette mise en œuvre est bien prévue ou pas ?

Retrouvez mon intervention ainsi que la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.