C’est le dossier « jeunesse » du moment, et peut-être de la législature. C’est un dossier d’ampleur.

Il s’agit évidemment de votre projet de réforme des décrets CJ et OJ. Il est d’ampleur pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il concerne l’idée de réformer les deux principaux décrets jeunesse en FWB. Ces décrets concernent des dizaines d’associations, Centres de Jeunes et Organisations de Jeunesse, des milliers de professionnels, des dizaines de milliers de volontaires et des centaines de milliers de jeunes. Il s’agit donc d’envisager de revoir deux textes qui touchent un nombre très importants d’acteurs associatifs et de citoyennes et citoyens francophones belge. Il est important aussi parce qu’il est l’un des principaux leviers de la FWB en matière de renforcement de la citoyenneté et de la démocratie en Belgique francophone. Par une diversité de modes d’actions et d’associations, par une place centrale et responsable donnée aux jeunes, par une liberté associative centrale à ces décrets, ces textes sont fondamentaux pour le maintien et le renforcement de la citoyenneté et de la démocratie en Belgique francophone. Enfin, il est d’ampleur parce qu’il s’agit de s’attaquer, de front, à deux décrets conséquents et ce, dans des délais courts et dans un contexte particulier, voire compliqué. Et ce, tant à l’égard de la crise sanitaire que nous vivons et de ses conséquences sur la société et sur les acteurs associatifs, que du contexte budgétaire de la communauté.

Et parce qu’il s’agit d’un projet d’ampleur, il fait couler beaucoup d’encre et donne lieu à beaucoup de questionnements, voire à des tensions. Ainsi, les débats précédents et les retours du terrain démontrent largement la difficulté du secteur face à ce projet et les questionnements qui l’entourent. Ceux-ci concernent plusieurs volets.

Le premier que je souhaite aborder concerne la vision politique, les orientations et les objectifs concrets qui sous-tendent ce projet de réforme. Plusieurs voix se sont fait entendre au sein du secteur pour demander un clarification, un meilleur partage de la vision politique qui sous-tend ce projet. Ce projet devra en effet permettre tant de baliser les réflexions en cours que de permettre aux parties prenantes de savoir plus précisément dans quel cadre ils évoluent.

De manière plus concrète, l’idée d’avancer sur les trois volets que sont le sens de l’action des acteurs de la jeunesse, la simplification des procédures et des dispositifs ainsi que les transversalités internes ou externes ne semblent pas suffisamment explicites et donnent lieu à diverses interrogations, voire craintes. Votre engagement à ce que ce qui constitue une partie de l’ADN des décrets concernés,à savoir la formation, le concept de CRACS, ou encore la liberté associative soient « immunisés » est évidemment à souligner et très important. L’un des volets évoqués, à savoir la question de l’enjeu de la simplification des procédures et dispositifs, évidemment pertinent et important pour toutes les parties prenantes semble par ailleurs pouvoir être traité sans modification décrétale.

Madame la Ministre,

  • Pouvez-vous repréciser la vision et le projet politique qui est le vôtre en la matière ? Pouvez-vous notamment préciser ce que vous entendez par « le sens de l’action des acteurs jeunesse » et « les transversalités internes et externes »?

  • Pouvez-vous également nous informer sur les motivations qui vous ont amené à porter un projet ambitieux et d’ampleur de révision de ces deux décrets dans le contexte que l’on connaît ?

Le second volet concerne la méthode et le dispositif en place. Il nous revient en effet que le processus en cours semble questionné par le secteur sur les objectifs du processus et l’adéquation avec la méthode utilisée.

Vous avez eu l’occasion de nous expliquer en Commission que le secteur était « non seulement consulté mais même totalement intégré dans la construction des Organisations de jeunesse et des Centres de jeunes de demain » ou encore que « l’expertise ne pouvant se trouver que parmi les acteurs de terrain et que c’est à cette fin que nous souhaitons la co-construire au travers d’un processus engagé et participatif. ».

La réussite d’un processus de participation comme celui envisagé, et donc l’adhésion des parties prenantes, est pleinement conditionnée à l’annonce claire et explicite des objectifs en la matière. Ainsi, un processus de consultation peut être réussi, s’il est clairement annoncé et qu’il n’est pas présenté comme un processus de co-construction. A l’inverse, un processus de co-construction nécessite une série de conditions de réussite, dont celle d’avoir un cadre de la décision à co-construire qui soit clair et précisément défini et d’accepter que ce qui sera amené sera clairement pris en compte ou encore de mener ce processus avec un panel représentatif des parties prenantes concernées. Les retours que nous avons ne semblent pas vraiment apporter de garanties à ces sujets, et l’on nous indique que la perception n’est pas toujours celle d’un processus co-construit. Je voulais donc vous répercuter ces questionnements.

  • Pouvez-vous préciser le cadre du processus en cours ? S’agit-il d’une co-construction avec les acteurs du secteurs ou estimez-vous davantage qu’il s’agit d’un processus de consultation? Plus en détail le cas échéant, quels sont les éléments qui feront l’objet d’une co-construction et ceux qui seront davantage de l’ordre de la consultation, voire de la concertation?

  • Pouvez-vous nous préciser la mission qui a été confiée aux prestataires externes, mais aussi la cadre précis du processus lancé ?

  • Pouvez-vous nous présenter le processus en cours en identifiant les premiers écueils ou points positifs rencontrés?

  • Concernant les groupes-cibles, pouvez-vous nous donner la composition précise des groupes-cibles et nous expliquer comment ceux-ci ont été composés? En ce qui concerne le groupe « institutionnel », toutes les fédérations sont-elles bien représentées et comment les représentants des fédérations ont-ils été choisis? Concernant le groupe « usager », comment celui-ci a-t-il été composé? Quels sont les critères qui ont permis de sélectionner ces personnes? Enfin, estimez-vous qu’il représente suffisamment le secteur et sa diversité ?

  • Il nous revient que l’agenda aurait été bousculé. Pouvez-vous nous le confirmer, nous en expliquer les raisons et nous préciser les conséquences que cela aura sur le planning global?

Enfin, deux annonces complémentaires soulèvent des interrogations. La première concerne votre souhait d’agir dans un contexte budgétaire neutre. La seconde est votre objectif de « au travers de cette réforme, mettre fin au principe de l’arriéré ». C’est évidemment un objectif noble et je tiens à souligner les efforts consentis pour contribuer récemment à sa résorption. Mais cette volonté n’est pas sans susciter des questionnements sur la manière d’y parvenir dans le décret, mais aussi des réflexions et des craintes sur le développement futur du secteur, dont la reconnaissance d’associations qui, aujourd’hui encore, se trouvent « dans les clous » des décrets mais qui n’ont pas fait l’objet d’une prise en compte dans vos démarches de résorption (On pense ici à Crible ASBL et au Musée du Capitalisme).

  • Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par contexte budgétaire neutre ? Faut-il y lire que les subventions seront désormais gelées ou limitées? Envisagez-vous la mise en place d’une enveloppe fermée ?

  • Pouvez-vous également préciser la manière dont vous entendez inclure la fin du principe d’arriéré via la réforme? Pouvez-vous nous dresser un état des lieux actuel de cet arriéré et nous apporter quelques éléments plus précis sur la manière dont les associations qui s’y trouvent encore actuellement seront prises en compte prochainement

 

Retrouvez  ma question et la réponse de la ministre ici.