Le 20 octobre dernier, les juges de la jeunesse francophones bruxellois et les substituts du procureur du Roi vous ont adressé un courrier vous informant que la prise en charge des mineurs en danger ne pouvait plus être assurée avec sérieux par l’État, faute de places dans les institutions d’hébergement ou dans les services d’accompagnement en famille. Selon eux, pas moins de 513 enfants en danger attendaient d’être placés. Les magistrats ont aussi rappelé qu’ils vous alertent depuis de nombreux mois quant à l’urgence des besoins des jeunes confiés au tribunal et précisent, d’une seule voix, qu’ils ne sont plus capables d’assurer leur mission de protection des enfants en danger qui leur sont confiés.
Cet appel à l’aide a été diffusé par les médias et a attiré mon attention et celle de certains de mes collègues. C’est pourquoi nous vous avons interrogée à ce sujet lors de la séance plénière du 26 octobre dernier. Vous avez alors pointé plusieurs éléments sur lesquels il me semble nécessaire de revenir.
Premièrement, vous nous avez informés que vous entreteniez un dialogue régulier avec les magistrats et qu’en outre, vous aviez décidé d’organiser une rencontre le lendemain de la séance plénière, à la suite du dernier courrier reçu. Deuxièmement, vous avez semblé contester le chiffre de 513 enfants et jeunes en attente d’une solution, chiffre présenté par les magistrats. Vous avez précisé que la base de données bruxelloise ne contenait «que» 117 jeunes en attente d’un hébergement et 192 en demande d’un accompagnement. Dès lors, vous avez estimé qu’il était nécessaire de croiser les chiffres et de vérifier le mode d’encodage.
Par ailleurs, vous avez mentionné l’augmentation de 44 % du nombre de demandes de prise en charge à Bruxelles depuis septembre 2019 et ajouté qu’il faudrait «probablement identifier collectivement les priorités face à cette augmentation ».
Troisièmement, vous avez rappelé l’apport d’un budget complémentaire de 12 millions d’euros, depuis le début de la législature. Ces moyens ont permis d’effectuer 80 prises en charge supplémentaires, de renforcer des services d’aide en milieu ouvert (AMO), l’aide aux mineurs étrangers non accompagnés (MENA) et les missions intensives en famille (MIF) ou encore de créer deux services d’accompagnement au parrainage (SAPA).
Quatrièmement, vous avez abordé la problématique des jeunes à la croisée des secteurs et insisté sur l’importance de travailler de façon concertée avec vos homologues régionaux pour que l’aide à la jeunesse reste supplétive et que des solutions adéquates soient trouvées pour ces jeunes. À cet égard, vous avez annoncé qu’un projet de convention était envisagé.
Enfin, vous avez lancé un appel à une union sacrée pour la jeunesse, considérant que la pauvreté est bien souvent l’une des causes des difficultés rencontrées par les jeunes. Madame la Ministre, la problématique est particulièrement importante et mérite d’être creusée davantage.
Comment s’organise le dialogue entre vous, votre cabinet et vos services et les magistrats de la jeunesse, à Bruxelles et au–delà? Considérez–vous ce dialogue suffisant et adéquat? Comment analysez–vous l’appel à l’aide public lancé par les magistrats bruxellois voici quelques semaines? Plus précisément, la rencontre annoncée pour le 27 octobre 2022 a–t–elle bien eu lieu? Si oui, pouvez–vous nous apporter quelques précisions concernant les participants, les points mis à l’ordre du jour et les éventuelles décisions prises à cette occasion?
Pouvez–vous nous communiquer le nombre d’enfants et de jeunes qui sont en attente d’une solution de protection à Bruxelles et dans les autres zones géographiques? Par ailleurs, avez–vous compris comment s’expliquait la différence des chiffres des uns et des autres? À la suite de notre discussion en séance plénière, j’ai obtenu des informations de la part d’une magistrate francophone bruxelloise;
elle m’a confirmé le nombre de 513 enfants en attente d’une solution, en précisant qu’il s’agissait du nombre de décisions qui sont prises, mais ne peuvent pas être appliquées immédiatement.
Que voulez–vous dire lorsque vous affirmez qu’il est nécessaire d’«identifier collectivement les priorités» en matière de demandes de prise en charge face à leur importante augmentation ces derniers mois? Considérez–vous que certaines demandes de prise en charge, voire de décisions judiciaires sont inadaptées?
Quant au renforcement du secteur de l’aide à la jeunesse, disposez–vous aujourd’hui d’analyses permettant d’identifier l’ensemble des besoins potentiels pour faire face aux évolutions de la situation? Qu’en est–il du projet de convention portant sur les jeunes à la croisée des secteurs envisagé avec vos homologues régionaux? Enfin, comment entendez–vous concrétiser votre appel à une union sacrée pour la jeunesse et la lutte contre toutes les formes de pauvreté, qui constitue l’une des causes réelles des situations catastrophiques vécues par les jeunes qui doivent ensuite être pris en charge par les services de l’aide à la jeunesse?
Retrouvez ma question et la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.