La Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) a publié il y a peu l’analyse « L’aliénation parentale : un concept à risques pour les enfants et leurs droits ».
Cette analyse, adressée entre autres « aux décideur·euses politiques, aux professionnel·les qui gravitent autour des enfants et des familles vivant une situation de séparation parentale », a pour objectif premier « de rappeler quels droits de l’enfant doivent être pris en considération lorsque l’on parle de judiciarisation de la vie familiale, de dresser les contours de la notion d’aliénation parentale et le poids qu’elle peut avoir dans la sphère judiciaire. »
Elle s’intéresse donc davantage à l’utilisation de ce pseudo-concept dans la sphère judiciaire, en particulier au sein des tribunaux de la famille, ce qui ne relève pas de vos compétences. Néanmoins l’autrice, Anne-Catherine Rasson – qui est, précisons-le, doctorante et maîtresse de conférences à l’UNamur, chargée de cours dans la cadre du Certificat interuniversitaire « Approche interdisciplinaire des droits de l’enfant » – élargit le lectorat de son analyse à l’ensemble des professionnel·le·s. dont la mission amène à gérer, à un certain niveau, la prise en charge des violences intrafamiliales. Parmi ces personnes, l’autrice affirme que certain·e·s continuent de recourir quotidiennement dans leur pratique, à la notion d’aliénation parentale, rendant sa légitimité et reconnaissance floues pour leurs pairs et le grand public.
Face à cette affirmation, il nous paraît opportun de revenir de nouveau sur la problématique de l’utilisation de l’aliénation parentale, notamment au sein des services d’aide à la jeunesse. Cette question nous semble d’autant plus essentielle qu’elle revient régulièrement, que ce soit dans les médias ou à travers des études ou des analyses comme celle qui a été publiée par la CODE.
J’ai déjà eu l’occasion d’interroger votre prédécesseure sur le sujet : celle-ci m’a chaque fois affirmé que les agent·e·s des SAJ et SPJ étaient tout à fait conscients que « la notion d’aliénation parentale était sans fondement scientifique et qu’elle ne fait pas partie des motifs de prise en charge des jeunes en difficulté ou en danger au sein des SAJ » et que les services s’appuyaient essentiellement sur les entretiens avec les familles pour traiter les cas de violences intrafamiliales.
Et c’est ce qu’affirme également Valérie Devis, administratrice générale de l’Aide à la jeunesse, qui a été interrogée par la journaliste Anne-Cécile Huwart dans le cadre de son enquête « Enfant en danger » dont elle a fait un livre et un documentaire qui a été diffusé par le magazine Investigation de la RTBF.
Cependant plusieurs témoignages qui me sont revenus ou qui ont été diffusés dans l’enquête d’Anne-Cécile Huwart montrent une situation toute différente. Il n’est ici nullement question de remettre en cause le travail formidable que la plupart des employé·e·s des SAJ et SPJ accomplissent. Mais il me semble essentiel de reconnaître qu’il puisse y avoir des défaillances.
Dès lors, Madame la Ministre, je pense qu’il est important de faire le point sur la situation. Voici mes questions :
- le Plan «Droits des femmes» pour la période 2020–2024 comprend une mesure impliquant la formation obligatoire d’agents de l’Administration générale de l’aide à la jeunesse (AGAJ) et de
l’Administration générale des maisons de justice (AGMJ) aux processus de violence conjugale et aux modèles d’analyse systémique des dynamiques de violence conjugal. Pourriez-vous faire le bilan de ces formations ? Y a-t-il une obligation pour les agent·e·s des SAJ et SPJ de suivre un ou des modules de formation concernant la problématique spécifique des violences intrafamiliales ? Dans l’affirmative, quel contrôle de suivi existe-t-il ? Si les formations ne sont pas suivies, quelle solution envisagez-vous pour remédier à cela ? - y a t-il des mécanismes de contrôle existants ou en réflexion pour que ce concept – ou tout autre concept attaché tel le syndrome de Münchausen par procuration – ne soit définitivement plus utilisé
Retrouvez mon intervention ainsi que la réponse de la ministre sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.